Parution sur Le Point.fr

Comment accompagner la sortie de confinement, d’un point de vue social et managérial

Par sa soudaineté, sa violence et son caractère anxiogène, la crise du Covid-19 a bouleversé le corps social des entreprises, dans les domaines et les repères qui assurent généralement sa cohésion et sa cohérence. Il a mis en tension extrême le cœur de nos organisations et il a exacerbé ses forces et ses faiblesses. 

Si la logique opérationnelle va vite reprendre ses marques, tout ce qui a trait au corps social tant comme groupe que comme somme d’individus, doit faire l’objet d’une vigilance de la part des Dirigeants et des DRH des entreprises. 

Trois angles de vue doivent se combiner pour assurer un redémarrage serein dans les entreprises : celui du management, celui des instances sociales et celui des salariés considérés de façon individuelle. 

Plusieurs pistes opérationnelles se dégagent : 

Pour le Management, la sortie de crise passe nécessairement par une phase d’inventaire des problématiques de la période écoulée, mais aussi de gestion des situations individuelles et collectives. Et bien sûr, de recalage des prochaines semaines. L’encadrement a pu expérimenter la dynamique et l’initiative au plus fort de la tension. Il a pu également mesurer les différents degrés d’engagement des salariés. Cette évaluation de la plasticité managériale est un paramètre clef pour la suite. L’évaluation des dispositions sociales qui ont été arrêtées durant cette période exceptionnelle ainsi que l’établissement d’une nouvelle feuille de route, en matière de gestion et d’organisation du temps sont aussi des étapes obligées :

  • « Etat des lieux » managérial, avec un diagnostic de la santé psychologique et du degré de mobilisation professionnelle
  • Réunions bilatérales entre l’encadrement et les RH sur la gestion des situations individuelles,
  • Définition des phases de retour ou de transition vers la situation cible, s’agissant des horaires, protections individuelles, aménagements…
  • Rencontres de management sur un débriefing de la crise et le traitement des différentes situations,
  • Rétablissement progressif du plan de travail RH et social : NAO, entretiens, formations…
  • Déclaration d’intention sur la stratégie de l’entreprise dans le nouveau contexte
  • Formation au management 

Les Représentants du Personnel et des Instances Sociales, pour leur part, doivent tout à la fois, prendre la mesure de la situation économique et sociale de chaque établissement ou entreprise, et repositionner dans leur calendrier social les défis des prochains mois. Pour ce faire, l’actualisation des outils et méthodes de travail des Commissions de Santé, Sécurité et des Conditions de Travail, ainsi que du Comité Social et Economique doit faire l’objet d’un soin particulier, que ce soit dans les questions de sécurité et de santé prégnantes durant la crise pandémique, que dans les modes de concertation, d’information et de consultation classiques, à relancer. Quelques priorités :

  • Tableaux de bord HSCT :  il est utile de rédiger un accord de principe sur la gestion de cette période spécifique,
  • Le processus de gestion et d’instruction des Dangers Graves et Imminents, des droits de retrait doit donner lieu à un mode d’analyse propre au contexte du Covid-19, en établissant le mode opératoire et les modalités communes d’évaluation,
  • Un rapport interne sur le bilan et les recommandations en cas de nouvelle survenance de crise sanitaire et sur les dispositions d’entreprises des protections à acquérir à l’avenir doit être rédigé. C’est là, le cœur de l’activité HSCT, de manière à faire le deuil du choc collectif et de consacrer l’énergie à convenir de ce qui peut être améliorer,
  • L’établissement d’un plan de gestion de crise majeure.
  • L’opportunité éventuelle de négocier un Accord de Performance Collective (APC).

Chaque salarié enfin, réagit de façon très personnelle à cette crise et à leur expérience très pratique en matière de temps de travail et de trajet (ou de télétravail), d’équilibre personnel. Elle a ouvert de nouveaux horizons pour certains. Cette période a aussi challengé pour chacun l’utilité de son travail, sa place et sa reconnaissance au sein du groupe. Après des années d’efforts pour créer de l’attachement et de la fidélisation à l’entreprise, la prochaine étape est surement dans l’organisation de l’écoute individualisée ou collective des salariés et dans l’adaptation agile du cadre de travail. Plusieurs approches possibles : 

  • Bilan partagé d’expérience de la crise en équipe, en service opérationnel et large place donnée aux commentaires individuels, lors des prochaines réunions d’équipes et des entretiens
  • Calendrier de retour aux conditions normales d’activités et intention d’un APC, si nécessaire
  • Soin particulier lors de la reprise des entretiens individuels, professionnels et de performance,
  • Partage et échanges autour de la feuille de route de l’entreprise ou de la déclaration d’intention, qui précise les étapes pour renouer avec la croissance,
  • Initiation avec la DRH des démarches de développement de compétences, d’orientation professionnelle…

La pleine conscience des différents enjeux, mais aussi l’expérience de la gestion des relations humaines, dans ce type de situations seront déterminants dans la bonne continuité et dans la poursuite des activités. Le recours à des managers de transition, experts en mode mission, est un des leviers possibles pour de telles phases critiques

Article rédigé en commun par : Gérard Taponat, Manager de Transition, expert en relations humaines et sociales et Florent Chapus, Associé du cabinet EIM, leader européen du Management de Transition