Le « social » est un grand maître

Le « social » est un grand maître qui, certes, n’a pas l’évidence des statistiques économiques et financières ; ni la précision politique ou militaire : mais embrasse tout à la fois, quand il se déclenche. Le « social » se met en mouvement – sauf évènement majeur et soudain – quand, à force de patience résignée, d’acceptation contrainte, il fait le constat d’une situation bloquée. Alors, il se révolte. Les grands leaders syndicaux et les DRH aguerris, en connaissent la complexité : dans ce mélange de manifestation et de psychologie collective. L’affaiblissement de tout corps intermédiaire, dont l’existence repose depuis bien longtemps, légitimement et culturellement sur un rôle et une place symbolique, prend immédiatement le risque d’un face à face avec le « social » dans son ensemble. Or, ce social non encadré, emporte tout sur son passage : l’autorité ; la vérité ; la justesse et la retenue. Seul le « social » peut répondre au « social », car il demeure très concret et se positionne sur nombre de détails et que de ce fait, le discours stratégique, économique et même politique, de court terme n’y est pas ou plus entendu. Ou bien il eut fallu que celui-ci l’ait intégré depuis longtemps dans une visée de longue portée qui lui ait offert toute sa place.

Les professionnels d’expérience – car il n’y a pas de spécialistes dans ce domaine –  du « social » savent qu’il est plus facile de lancer un mouvement social, que d’y mettre fin : car le génie a du mal à revenir dans le flacon d’origine.  Or chaque conflit social porte en lui, sa propre résolution et laisse profiler l’une des formes appropriées de sa négociation. Pour peu qu’on l’ait analysée. La crise sociale qui est née autour du mouvement des « gilets jaunes », est en fait une manifestation sociale profonde qui s’exprime dans toute la société française, et qui peut se manifester demain de différentes manières : car le mouvement social est maintenant libéré.

Il revient aux pouvoirs politiques, comme aux stratégies d’entreprises de considérer par de nouvelles approches la question « sociale » de notre société française. Reconsidérer la qualité de l’emploi et non plus seulement sa quantité ; revisiter le partage des richesses et non se ranger derrière une fiscalité ou une NAO* ; reconnaitre et développer les initiatives et les responsabilités, et non se réfugier derrière la répartition des aides ou des AI**. Le « social » nous dit en fait autre chose que sa rancoeur : il nous exprime la décence qu’il convient de traduire dans une vie économique et sociale partagée. Le « social » est stratégique.

Gérard TAPONAT. Mars 2019

*NAO : Négociations Annuelles Obligatoires ; **AI : Augmentations Individuelles